La saga de l’indépendance des médias fribourgeois

Publié avec l’aimable autorisation de son auteur Christoph Schütz, Fribourg

Je suis entré dans le journalisme en travaillant pour un journal local ; plus tard, j’ai étudié les mé­dias et, aujourd’hui, je n’exerce plus qu’accessoirement ce premier métier.

En tant que lecteur, en revanche, j’ai une tout autre perception de la presse écrite fribourgeoise que celle véhiculée par les responsables des Freiburger Nachrichten ou de La Liberté. Les deux journaux sont, il est vrai, indépendants sur le plan politique; il y a toutefois une collusion entre leurs rédactions et les autorités.

L’ancien Conseiller d’Etat Beat Vonlanthen l’a très bien exprimé lors d’une assemblée générale des Freiburger Nachrichten, en affirmant que la mission des médias était de sensibiliser la population aux affaires qui pré­occupent les autorités. Pour faire fonctionner ce système, le conseiller d’Etat invite régulièrement les journalistes à dîner en leur donnant du «tu». Par ailleurs, les deux journaux sont indirectement soutenus en temps de crise par l’achat de nombreuses publicités grand format. La jeunesse est elle aussi enrôlée: les écoliers sont invités à écrire des articles sur des pages sponsorisées des Freiburger Nachrichten, sur des sujets proposés par les sponsors eux-mêmes. Une plaisanterie sarcastique qui sert à mobiliser les écoliers sous pré­texte de les initier au «journalisme ». En outre, les deux journaux «optimisent» les courriers des lecteurs qui se montrent critiques vis-à-vis des autorités: leur contenu est dilué ou tout simplement supprimé. C’est ce qui est arrivé à l’auteur de ces lignes il y a un an, lorsqu’il a voulu corriger les fausses déclarations faites par le syndic de Fribourg. La lettre du lecteur a été rejetée, tout comme l’a été une seconde lettre, qui visait à dénoncer cette forme de censure. Les chefs des rédactions, appréciant les petits agréments que procure l’appartenance à une élite locale, se sentent investis d’une responsabilité face aux décideurs; souvent, ils ne laissent pas filtrer les informations qu’ils devraient justement publier.

Les médias comme quatrième pouvoir: quo vadis?

Cette forme d’autocensure fait que la population fribourgeoise n’apprend jamais explicitement ce qu’il faudrait pour participer à la politique. Durant plus d’une décennie, les deux journaux ont obstinément dissimulé le nom de l’entreprise fribourgeoise qui était responsable du scandale écologique de la décharge de La Pila, où ont été déchargées 30 tonnes de PCB. Il a fallu attendre que le Tagesanzeiger et le Blick s’emparent du sujet pour que les journaux locaux se décident enfin, bien à contrecœur, à en parler eux aussi. 

Auteur : Christoph Schütz, Fribourg

Source :  Cette lettre des lecteurs est paru dans l’édition N° 3/2021 de l’EDITO, le Magazine suisse des médias

L’inquiétude est grande de voir suite à ces regroupements de titre, l’émergence d’une pensée unique !
Et en plus si cette pensée est influencée par les patrons du titre cela peut évidemment poser un problème d’éthique.

Lire aussi cet article trouvé sur la toile soit sur le site web de Savio Michellod,
syndic et député de Granges Veveyse
https://msavio.org/2021/09/11/presse-la-restructuration-inquiete/